Nous arrivons à la nuit tombée au Normandy, proche du port de plaisance et des célèbres Planches.
La façade mythique avec ses colombages et ses damiers de brique, évoquant le manoir d’un prince anglo-normand semble figée dans le temps. Tout autour, un Deauville paisible avec des rues quasi vide en ce début Décembre s’imprègne de la lumière du crépuscule.
A l’intérieur, le vaste lobby, tout en colonnes et boiseries, est habillé de décorations de Noël. On aurait presque envie de glisser ses chaussons sous l’un des grands sapins qui brillent de mille feux.
Nous montons les marches du grand escalier, en songeant à toutes les stars de cinéma qui ont foulé ce tapis et dont les portraits en noir et blanc ornent les murs.
Notre chambre revêtue de toile de Jouy bleu pastel est dans son jus. La salle de bain est classique, la literie vraiment confortable. L’ensemble mériterait d’être rafraîchi, mais l’accueil en chambre est agréable. Un petit cake à la banane nous attend, ainsi que deux coupes de champagne servies au Casino Barrière voisin, que nous inscrivons donc au programme de la soirée.
Nous remarquons avant de sortir l’atmosphère cosy du bar, d’où s’échappent quelques notes de piano. L’hôtel dispose d’un seul restaurant, La Belle Époque, à l’éclairage somptueux comme un plateau de cinéma, mais les changements de décor sont possibles, dans les établissements voisins.
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Le lendemain, nous longeons le front de mer jusqu’à Trouville, petit port de pêche devenu station balnéaire au XIXe siècle, qui a su garder son charme. L’ambiance est ici moins clinquante qu’à Deauville.
Nous marchons sur les quais jusqu’au Marché aux Poissons, qu’animent les cris des mouettes, aussi affamées que nous. Le bagagiste du Normandy nous avait conseillé le Pavillon Augustine, une brasserie sur le port. Il est fermé, nous nous rabattons sur un petit bistro voisin qui sert des moules frites. C’est délicieux et vraiment authentique.
Nous admirons en passant l’architecture élégante du Casino construit en 1912, en se souvenant que les jeux furent autorisés dès 1808, passe-temps proposé aux riches familles parisiennes venues prendre des mains de mer.
Nous prenons la route et faisons halte à Villerville, à mi-chemin entre Deauville et Honfleur, où a été tourné Un Singe en hiver en 1962. On s’attendrait à voir les silhouettes de Gabin et Belmondo sortir du Cabaret Normand, aux rideaux à carreaux rouges et blancs.
La plage des Bains semble elle aussi inchangée. Elle est restée assez sauvage, avec les falaises des Roches noires en arrière-plan. Personne en vue, le soleil se mire dans les sables de l’estran qui ondoient à marée basse.
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Autre ambiance sur l’immense plage de Cricquebœuf qui conserve des vestiges du Mur de l’Atlantique construit par les armées du Troisième Reich. L’ombre de la Seconde Guerre Mondiale plane sur ces colosses de béton qui ont subi l’érosion du temps et l’assaut des marées. Nous sommes sidérés par le contraste entre la beauté du littoral qui s’étend à l’infini et ces sinistres gravats qui évoquent des heures sombres de l’histoire du XXe siècle.
Nous reprenons la route, et nous arrêtons à Equemauville pour voir la Chapelle Notre-Dame-de-Grâce, construite au XVIIe siècle à l’emplacement d’une ancienne chapelle disparue dans un éboulement de falaise. Les maquettes de bateaux sont des ex-voto qui témoignent de la ferveur des familles de marins à une époque où la mer assurait les moyens de subsistance de toute une population qui craignait sa férocité. Une plaque rend grâce à Notre Dame qui aurait protégé Honfleur durant la bataille de Normandie en 1944.
Nous faisons quelques pas pour aller un peu plus haut apprécier le point de vue depuis le Mont Joli, qui surplombe Honfleur et l’estuaire de la Seine. En chemin nous passons devant le Pavillon Louis-Philippe, charmante maison dans laquelle l’ainé des Orléans et la reine Marie-Amélie passèrent deux nuits sous un nom d’emprunt en 1848 en attendant que de pouvoir prendre la mer et partir en exil.
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Nous sommes immédiatement séduits par cette petite cité de caractère dont le charme opère en plein soleil de midi, dans la pénombre du soir comme dans la brume du matin. Les façades qui s’alignent le long du Vieux Bassin forment un tableau ravissant, qui semble hors du temps.
Nous sommes ici dans l’un des berceaux de l’Impressionnisme, où l’enfant du pays Eugène Boudin abandonna l’académisme pour se concentrer sur la couleur et les nuances. De nombreux peintres séjournèrent ici à sa suite.
Le bruissement de leurs conversations est encore perceptible à La Ferme Saint Siméon, dans les jardins verdoyants, dans la salle à manger de La Boucane (“vieille chaumière” en patois normand) ou devant la cheminée du grand salon. L’une des chambres était celle de Claude Monet, une autre avec vue idéale sur l’estuaire avait été transformée en atelier par Camille Corot. L’ambiance est ici feutrée, les chambres de style classique ou contemporain. Ces dernières récemment rénovées offrent de belles prestations avec un sens du détail.
Dans un esprit plus intimiste, mais toujours dans un cadre historique, l’Hôtel Saint-Delis, ancienne demeure du peintre Henri de Saint-Delis, situé en plein cœur de la ville, est un véritable coup de cœur.
Les tableaux sont ici aussi partout, le personnel comme la clientèle sont chaleureux, la maison est véritablement habitée. Notre chambre au dernier étage offre une splendide vue sur le petit jardin de la maison et sur les toits de Honfleur. L’absence de restaurant invite à flâner dans les ruelles pour découvrir les bonnes tables, qui ne manquent pas. Le petit-déjeuner à base de produits bio et locaux est préparé dans la cuisine ouverte sur la salle à manger. La décoration dans une palette de teintes et matières naturelles est comme un prolongement du paysage côtier.
■ Mélinda M.